Last updated: 23 Oct 25 21:46:16 (UTC)
Histoire du végétarisme
Les humains sont-ils VG / “carnivores” par nature ou culture ? C’est compliqué et y’a pas de différence si nette historiquement. Mais la chasse, la distribution de la viande et sa consommation sont d’abord des processus sociaux / de socialisation.
Le végétarisme est lié à l’élevage, l’agriculture et surtout aux sacrifices animaux. Une société principalement VG doit être d’abord autonome en alimentation VG, stable pour pas que des crises rendent la viande nécessaire à la survie. Elle est souvent complexe et fortement hiérarchisée, avec quand même une valorisation de la viande.
La viande est un truc essentiel de l’humanité. Même les carni ont un rapport fort à l’animal concret. Y’a une importance sociale de la viande, qui n’est pas n’importe quel aliment. On peut penser que l’émergence de l’éthique est liée à la viande. Les tabous alimentaires concernent à 85% la viande et ne s’expliquent pas que pas l’aspect sanitaire (cf. plantes toxiques, hallucinogènes).
Dans l’Antiquité ou les contextes non-occidentaux le renoncement à la viande est d’abord lié au renoncement à des pratiques sociales (sacrifices) ou à l’ascétisme. Le rôle de la cruauté, de la violence, et finalement de l’animale est secondaire.
Descartes est vraiment ultra seul à défendre l’animal machine. Cette thèse va contre l’esprit de son temps, et même des cartesiens peinent à l’admettre. La motivation de sa thèse est théologique : Descartes est coincé à devoir soit refuser l’âme aux animaux, soit leur donner une âme immortelle, au risque de devoir renoncer à l’existence de Dieu ou d’une âme immortelle pour les humains. Un problème qu’il n’est pas le seul à affronter cela dit.
// en gros : Si les animaux ont une âme et souffrent alors qu’ils n’ont pas pêché, Dieu est injuste, ce qui n’est pas possible. Dieu n’existe donc pas. C’est pas beaucoup plus expliqué
L’animal machine génère tellement de réponses et d’hostilité qu’on voit bien que ça n’est pas la norme, c’est l’inverse de la norme.
Au 18e, la cruauté, l’arbitraire sont critiqués, car la proximité avec les animaux semble incontestable et que la différence de traitement à l’heure des droits de l’homme semble difficile à justifier tant les animaux sont maltraités. L’animal, faute d’être objet de droit, sert à tester les principes du droit qu’on veut mettre en place, et qui se fonde moins sur la religion que sur la raison. John Lawrence On the rights of Beast, premier a vraiment penser un droit pour les animaux. Cela dit les raisons religieuses de ne pas maltraiter les animaux restent présentes tout au long du siècle. Et peu de gens arrivent à la conclusion qu’il faut devenir végétarien.
Déjà à l’époque on compare animaux, enfants et personnes handies. La séparation stricte animaux / humains n’existe en fait pas vraiment : c’est flou, poreux, et fluctuant dans la plupart des cas.
Au 19e, les militants poursuivent les réflexions et radicalisent les pratiques. Le végétarisme se développe dans des sociétés UK/US qui consomment plus de viandes que les autres. La question du bien être animal se pose pour des sociétés à la fois urbaines, prospères et libérales (d’où un retard en France ?).
La cruauté envers les animaux est presque unanimement condamnée par les savants et artistes du 18e-19e, qui pensent qu’elle a des conséquences dans toute la société. Les végétariens n’ont pas besoin de convaincre là-dessus. La consommation de viande est ramenée au cannibalisme, parce qu’il y a une continuité, les animaux sont “nos frères inférieurs”.
L’éloignement de la mise à mort (de la ville à l’abattoir en ville, puis plus loin) se fait toutefois progressivement, avec un argument hygiéniste d’abord (même si la morale compte). Tout le monde s’accorde pour traiter au mieux l’animal, le tuer vite et bien, mais seuls les VG arrêtent de manger de la viande.
L’idée que le végétarisme est moins cher existe dès le 19e, où on vante le végétarisme comme adapté aux classes populaires.
Louise Michel : plus l’homme est féroce envers la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le domine. L’anarchisme est le courant le plus lié au végétarisme. Ce sont des militants anarchistes chinois qui ouvrent en 1907 ou 1908 la 1re usine de lait de soja et de tofu d’Europe, à Colombes p. 112))
Le végétarisme est aussi présent dans les utopies. On associe végétarisme, pacifisme, refus de la violence, de l’alcool et des vices, faisant du végétarisme une brique pour changer la société. Mais la dimension politique du végétarisme va se perdre.
Dès l’après première guerre mondiale, le végétarisme devient un truc de classes supérieures. C’est une des raisons de la haine que Georges Orwell voue aux végétariens. Alors que la maltraitance et la paupérisation des ouvriers d’abattoirs etc. pourrait donner des raisons au végétarisme d’être une cause sociale, le mouvement ne se politise jamais dans ce sens, peut-être parce que les motivations du végétarisme sont souvent individuelles et autocentrées.
Il y a un lien persistant entre végétarisme et féminisme. Le genre et l’opinion politique sont aussi corrélés au végétarisme.
Dimension économique : le végétarisme est un choix, donc les populations pauvres agricoles qui n’ont pas refusé la viande mais n’en n’ont pas ne sont pas VG. C’est d’emblée un privilège que de pouvoir choisir.
Historiquement, dans l’ordre (en occident) : les réflexions philosophiques sur le végétarisme > les livres militants, notamment de recette > les resto VG (19e) et magasins dédiés > les produits dédiés (mi 19e, beurre de cacahuète, corn flakes. P. 152)
En Asie resto VG depuis le 13e siècle. Les restos ouvrent et ferment, c’est pas un nombre constant (mon constater). La France est toujours en retard. À noter qu’historiquement, les restos VG sont pas chers et ne vendent pas d’alcool. Ça a changé aujourd’hui. Ils n’attirent pas des pauvres, mais des gens de classe moyenne.
Le premier livre de recettes végétariennes date de 1812 en anglais. Il est anonyme, mais rédigé par une femme, Martha Brotherton, qui sera créditée lors des rééditions. C’est un tel succès que le livre a été réédité pendant 70 ans. En France, c’est 1884. Il faut attendre après la 2e GM et le tournant environnemental des 60 pour que la cuisine VG intègre des influences mondiales, alors qu’avant c’était des trucs locaux et de saison.
P. 184 Li Shizeng chinois anar et vege à Colombes créé l’usine Caséo-Sojaïne. Il depose en 1910 le premier brevet au monde pour du lait de soja. Développe du jambon végétal, du fromage de soja, des confitures de soja, produit différent types de tofu. En 1911 un autre brevet parle de charcuterie de soja et de viande végétale. Il offre un banquet vege avec que des produits de son usine au jardin d’acclimatation
Des les années 1850 il y a des magazine végétariens, et ils ressemblent à ce qu’on fait encore aujourd’hui. On y voit un mode de vie similaire à aujourd’hui, qui n’est pas qu’une question de nourriture (alternatives au cuir, promo de produits dédiés
P. 207 les communautés (séparées) égalitaires aux US montrent que la moitié sont VG, mais surtout sont blanches et classes moyennes ou supérieures. L’autrice parle là de communautés contemporaines (années 70 pê). Le végétarisme est un élément d’inclusion entre eux ET d’exclusion des classes populaires et des personnes non blanches
Les listes de végé célèbres permettent de renforcer l’engagement vg (elles apparaissent au 19e). Le rôle des témoignages est aussi important : beaucoup de VG ont pris conscience du problème via une lecture ou un auteur. Dejan fin 19e, on parle de sportifs végétariens et on vante leurs performances. Idem pour les temoog
P. 224 La 1re société (au sens asso) végétarienne pourrait dater de 1837 et être l’American Physiological Society de Graham, dans une perspective hygiéniste, et après l’apparition de société contre la cruauté envers les animaux. En 1847 creation de la Vegetarian Society, qui va diffuser le mot végétarien.
La différence végétaLien / végétarien s’établit début 19e (p.264). Le végétalisme est censé être plus proche de la nature, et ce qui est naturel est bon (idéalisation de la nature, critique de ce qui est artificiel, dimension hygiéniste). Il y a des discussions sur le régime naturel de l’homme, appuyées sur la science ou la religion. Les discours végéta*iens vont jusqu’à voir dans la viande un élément néfaste pour la santé.
L’une des premières associations de rejet de la viande et de l’alcool date de 1802, dans un ouvrage qui sera influent auprès des mvt vege. Un lien qu’on retrouve jusqu’au milieu du 20e.
Sylvester Graham, pasteur, végétarien, anti alcool, anti café, anti chocolat, anti épices. Ses idées sont mal reçues. Et c’est bien lui à l’origine du Graham cracker. Il ne parle pas de végétarisme, mais des “flesh eaters”. Il promeut un mode de vie complet et un régime alimentaire (réputé fade 🥲).
P.277 l’inventeur du granola est aussi végétarien, et il le fait à partir de farine Graham. Inventé en 1863. L’inventeur tient une cure thermale dans l’État de NY, qui peine à marcher jusqu’à ce que que Kellogg en prenne la direction. Kellogg qui est un adventiste du 7e jour et va créer des substitut et son propre granola.
Il s’éloigne des idées adventistes à partir de 1890, rompt en 1902. Son frère fonde Kellogg Company en 1922. Attention Kellogg est eugéniste racial et s’implique dans ce mouvement. Mais les adventistes sont important en général dans l’essor du végétarisme, au delà de Kellogg, car ils ouvrent des établissements de soins partout, encore aujourd’hui. Leur médecine a changé mais pas la réf au végétarisme.
P. 281 sq La macrobiotique d’origine allemande va infuser jusqu’au Japon. Son inventeur est le médecin du roi de Prusse… Mais aussi de Goethe, Schiller ou Hedder.
P. 290 (et avant) le christianisme est franchement pas VG au début, ni apres, mais il est ambivalent. Bpc de théologiens s’accordent sur le végétarisme dans le jardin d’Éden, et l’autorisation de la viande seulement après le Déluge. La fin des temps serait d’ailleurs un moment de retour au végétarisme.
P. 299 beurre de cacahouete inventé en 1985. Granola marque déposée en 89
P.301 Tolstoï, des quakers US et Kropotkine organisent l’exil de 8000 doukhobors (secte chrétienne végé) au Canada
P. 310-11 le végétarisme (ou l’aspiration végé) soude certaines communautés religieuses, mais le désir de manger de la viande disparaît jamais définitivement et peut diviser la communauté. On ne connaît pas de société même très végé ou religieuse (porc, etc.) sans écarts en privé à la norme. D’où il est possible que la conso de viande des végés soit sous estimée.
Même si le rapport à la viande n’est jamais anodin dans les religions, on voit que les rapports au sujet sont variés, parfois contradictoires, et très peu fondés sur une compassion envers les animaux.
P. 337 qui compter comme VG pour étudier le phénomène ? Les termes sont multiples, la période minimale pour être compté comme VG est discutable, les (auto-)déclarations de végétarisme correspondent souvent à des pratiques où les gens mangent quand même des animaux
On peut parler d’un spectre, allant de végétarisme revendiqué mais pas strict au végétarisme strict. Les écarts seraient svt liés à des contextes sociaux où c’est gênant de ne pas manger de viande.
De façon générale, faut pas croire une seule étude tellement c’est fragile méthodologiquement, mais regarder les compilations d’études
L’étude des motivations du végétarisme est complexe, et ces motivations peuvent bouger au cours du temps. Il y a notamment des expériences traumatisantes dans l’enfance, des déclics liés à une œuvre.
Ce qui fait qu’on reste VG ? Facteurs individuels (conviction, contrôle du poids), facteurs sociaux (entourage, soutien), facteurs environnementaux (disponibilité des ingrédients, etc.).
P. 342 peu d’études sur l’abandon du végétarisme. Selon une, les français sont ceux qui ont l’opinion la plus mauvaise des VG.
P. 344 attention avec les affirmations qui lient orthorexie et végétarisme. Les problèmes de méthode vu plus haut est tjs là. Et la littérature sur l’orthorexie est pas très sérieuse en vrai
P 356 dans les années 30 un boucher parisien a affiché “boucherie végétarienne” sur sa devanture. Parce que les animaux tués étaient herbivores. La blague n’a plus a personne et il a retiré la banderole
P. 365 l’histoire du mot flexitarien, qui date de 1992, élu en 2003 mot le plus utile de l’année, puis récupéré par Interbev (sourcer le Wiktionnaire avec les ref)
P. 367 invoquer la tradition pour justifier la conso de viande est inopérant, tant la viande est rare dans l’histoire (10-20 kg annuels). La progression de la conso de viande n’a rien à voir avec celle de la population. Le marché (mondial?) de la viande a pris +560% depuis 1961.
P.367 les relations à la viande sont toujours complexes en fonction du genre, des revenus, des convictions spirituelles. Y’a jamais de dichotomie simple. Mais on n’a jamais autant mangé de viande dans le monde que maintenant. L’idée d’une viande artificielle ou d’une humanité VG est un fantasme de riches. La viande est un marqueur social de réussite dans toutes les cultures. Sans parler de la valorisation réactionnaire et identitaire.
Alors que la science (climat, santé) incitent à réduire si ce n’est arrêter, les facteurs vu précédemment bloquent
P. 373 Pk aussi peu de VG en dépit de tout ? Les réductions de la viande actuelles sont minimes, largement contextuelles, et peu liées à des éléments structurants. Ce n’est vraiment qu’on ne sache pas que la viande tue, ni dans quelles conditions. Y’a un truc contradictoire là dedans. Mais la nourriture est tellement structurante, dans la société, l’identité, tout, que changer ça c’est changer profondément la société, dans des aspects même invisibles. D’où aussi la haine que ça provoque.
P. 365 + 377 les lois contre l’usage des termes saucisse, etc. vont contre des pratiques linguistiques anciennes et implantées (plus d’un siècle) – la section est dédiée aux substituts sur plusieurs pages.
Aussi incertain soit l’avenir de la viande de synthèse, il rend aussi incertain celui du végétarisme, [en conservant l’image sociale de la viande sans certains défauts]
Résumé en 10 points pour comprendre le végétarisme. Ça plus la conclusion, c’est l’essentiel à lire si on veut aller vite C